Le Merge : un événement historique !
Ethereum vient de passer au Proof-of-Stake. Qu’est-ce que ça change ? En quoi cet événement est historique ? À quoi sert Ethereum ?
Le premier bloc de la blockchain Ethereum a été publié le 30 juillet 2015. Le Merge a eu lieu le jeudi 15 septembre 2022 à 8h43, heure de Paris. Ethereum est passé du Proof-of-Work (PoW) au Proof-of-Stake (PoS). Avant, les mineurs devaient effectuer un calcul pour encaisser la récompense prévue par le protocole. Maintenant, ce sont les validateurs qui sécurisent Ethereum. Il le font pour avoir une chance de toucher la récompense. Il mettent en jeu de la valeur, une sorte de caution est bloquée pendant un certain temps. On appelle ça le staking (et ça se prononce stay-king). Si un validateur se comporte différemment de ce qui est attendu, la caution saute.
Sur Etherscan, on peut voir en temps réel qui sont ces validateurs. En gros, vous avez 47% engagés via les pools de staking (groupes de staking), 36% via les exchanges, et 15% par d’autres entités ou personnes (pas nécessairement connues).
Actuellement, environ 23 milliards d’euros sont engagés. Les validateurs récupèrent actuellement 4% par an quel que soit le montant bloqué. Ils sont évidemment exposés à la volatilité de l’ETH. D’où sortent ces 4% par an ? Ce sont toutes celles et tous ceux qui utilisent le réseau qui payent à chaque fois qu’ils utilisent Ethereum : les gens qui s’envoient de l’argent, les applications Web3, et aussi les blockchains et autres rollups. Tout le monde bénéficie de la sécurité d’Ethereum.
Si vous voulez devenir validateur, c’est là. Vous pouvez aussi utiliser Lido (stETH), RocketPool (rETH) et d’autres pour participer encore plus facilement. Et si vous voulez juste découvrir la crypto sans vous prendre la tête, tapez simplement 3615 Web3.
Sept ans d’attente
Le passage au Proof-of-Stake fait partie de ses améliorations prévues depuis 2015. On ne change pas d’algo de consensus comme on change de slip. L’opération a été délicate. Au delà des 411 milliards d’euros actuellement sécurisés par Ethereum, les enjeux techniques et sociaux sont énormes. Les tests ont duré plusieurs années et pendant les jours qui ont précédés le Merge, la Fondation Ethereum offrait jusqu’à 1 millions d’euros à celui ou celle qui aurait identifié un bug dans le process de transition. Wanted.
Dans le jargon des développeurs, un merge c’est quand une ancienne version d’une appli fusionne avec la nouvelle. C’est toujours appréhendé parce que les fonctionnalités qu’on vient d’ajouter peuvent causer des dysfonctionnements inattendus voire parfois tout casser, c’est-à-dire mettre le service complètement KO et éventuellement déclencher la colère noire des usagers.
La beacon chain (en ligne depuis 2020) a mergé avec la chaîne principale pour n’en former qu’une. Imaginez deux avions qui voleraient côte à côte et dont on aurait déménagé toute la cargaison de l’un à l’autre en plein vol. Plutôt risqué, non ?
Passer au Proof-of-Stake, c’est aussi en finir avec le gâchis d’électricité que représentait le Proof-of-Work. Pour participer au maintien du réseau, on ne doit plus prouver qu’on a effectué un calcul stupide, on doit simplement prouver qu’on a engagé de la valeur : un validateur prend le risque de se faire slasher, c’est-à-dire le risque de voir sa caution sauter s’il ne respecte pas les règles du jeu.
Le passage au Proof-of-Stake fait partie de la feuille de route d’Ethereum depuis bien longtemps, donc le fait qu’Ethereum est aujourd’hui beaucoup moins gourmand en ressources est évidemment une excellente chose mais à vrai dire ça n’était pas l’objectif principal. Toujours est-il que Bitcoin bouffe 0,5% de la production d’électricité mondiale, sur Ethereum c’était 0,2% hier, on est proche de zéro aujourd’hui. 🎉
Sonnant et trébuchant
Tout ça est de moins en moins expérimental... Cette fois-ci Ethereum montre clairement sa capacité à évoluer. C’est un événement important pour tout le monde, y compris pour vous-même. Ce qu’on essaie de faire, c’est de mettre à disposition un système suffisamment robuste pour supporter toutes les attaques possibles et imaginables pour que vous puissiez faire ce que vous voulez avec. Il faut se lever très très tôt le matin pour stopper Ethereum…
L’idée c’est de permettre à tout le monde d’échanger de la valeur, de créer sa propre monnaie, de créer des objets numériques uniques (les NFTs), de s’organiser en tant que communautés. On peut voir Ethereum comme un outil qui permet de se mettre d’accord, de s’entendre (“settlement layer for the Internet”).
De fait, la plupart des états reconnaissent l’existence d’Ethereum. Ils n’ont pas vraiment d’autre choix. Ils apprennent progressivement à distinguer le réseau d’un côté, et les applications et services qui l’utilisent de l’autre. Ensuite parmi ces applications et utilisations, on peut identifier celles qui respectent les lois existantes et le reste (financement de sales trucs, évasion fiscale, arnaques en tout genre, etc). Ethereum est un excellent candidat pour organiser un vote, par exemple. Les états, organisations et entreprises ont tout intérêt à tester les choses. Ces outils sont puissants, disponibles et open source. Pourquoi rester empêtrés dans le 20e siècle ?
Côté monétaire, ce qu’il faut surtout comprendre c’est que l’ether (ETH) c’est de l’argent sonnant et trébuchant. C’est réel. L’expression “monnaie virtuelle” pour désigner l’ETH est maladroite et obsolète.
Le design monétaire de l’ETH est tout simplement impressionnant. Toute les 14 secondes, de nouvelles unités sont crées (création monétaire) et d’autres sont brûlées (destruction monétaire). C’est en place depuis la réforme d’août 2021 (le fameux EIP-1559), et le Merge vient encore renforcer cet aspect. Aucun autre système monétaire ne peut montrer autant d’équilibre et de transparence.
Je vous recommande de jeter un oeil à ce site qui aide à bien visualiser les choses : https://ultrasound.money/
Ethereum n’est pas encore parfait, et certaines vulnérabilités sont connues. Ceci dit, les autres réseaux (blockchains) en Proof-of-Stake sont exposés à ces mêmes risques :
- Même si le protocole est conçu pour limiter la marge de manoeuvre de chaque type d’acteurs, le Proof-of-Stake donne un certain pouvoir à ceux qui possèdent beaucoup d’ETH. Même si leur capacité d’influence est limitée, elle existe.
- Plus le nombre de validateurs est faible, plus le réseau est vulnérable aux attaques : par exemple il suffit que deux ou trois s’entendent entre eux pour ne pas inclure certaines transactions ou certaines adresses (censure) pour provoquer un fork, donc un certain désordre momentané. Justin Drake indique qu’il y aura sans doute toute une variété de façons de pratiquer le staking et ainsi réduire le risque de centralisation.
- Ethereum reste sensible aux régulations maladroites. Par exemple, telle ou telle législation pourrait forcer les validateurs identifiés à effectuer certaines actions, ce qui viendrait déséquilibrer le réseau. À mon humble avis, les états devraient (1) faire bon usage d’Ethereum pour moderniser ce qu’ils ont à moderniser, (2) contribuer à améliorer la diversité des clients, (3) favoriser le staking, et éventuellement (4) aider la communauté à définir les comportements dangereux (AML, CTF) pour qu’elle soit plus en capacité de les gérer.
Rendre le staking toujours plus accessible est un point important et en constante amélioration. On sait aussi que la diversité des clients (les clients d’exécution en particulier) renforce la résilience de l’ensemble du réseau. Ce qu’on peut faire c’est contribuer au développement des clients d’exécution minoritaires, ou bien en développer de nouveaux (les specs sont là). Il y a encore pas mal de boulot !
